Suite à la découverte du roman
"Le Manoir", j'ai contacté l'auteur, Emma Cavalier, pour lui demander si elle voulait se prêter à une petite interview. Elle a gentiment accepté et voici ce que donne cette première entrevue!
Bonjour Emma, peux tu te présenter en quelques mots?
J'ai 36 ans, je vis à Paris. J'exerce le beau métier de bibliothécaire, mais j'ai toujours voulu être écrivain. Rêve qui a été enfin réalisé grâce au Manoir, qui est mon premier roman. Et je n'ai plus arrêté d'écrire depuis, c'est devenu une véritable addiction !
Depuis combien de temps écris-tu?
Depuis l'âge de dix ans, essentiellement sous la forme du journal intime, en dehors de quelques projets rapidement avortés. Si tu veux découvrir un texte de jeunesse, il y en a un (resté inachevé) ici http://www.inlibroveritas.net/lire/oeuvre34394.html
Le Manoir est est le premier roman que j'ai réussi à terminer, c'est-à-dire que je me suis accrochée au-delà de l'euphorie des premiers mois et jusque dans cette phase horriblement difficile qu'est l'écriture des derniers chapitres, quand on sait que l'aventure va bientôt se terminer, qu'on commence à se lasser et en même temps on ne veut pas que cela s'arrête... Je l'ai quand même réécrit intégralement deux fois avant d'arriver à une version qui me satisfasse.
Apparemment, ce travail a payé. Ton livre, sorti en 2011, a reçu beaucoup de bonnes critiques. Une sortie encourageante pour une auteur qui se lance !
Comment t'est venue l'idée de ce roman, et l'endroit dans lequel il prend place, à savoir le Manoir?
C'était une histoire qui me trottait dans la tête depuis
longtemps. Je suppose que le Manoir (en tant que lieu) est directement dérivé
d'un certain nombre de lieux fantasmagoriques que j'ai découverts dans des
lectures assez jeune, notamment le Roissy d' Histoire d'O. Je me suis
bien amusée à retourner cette influence dans le roman, en prétendant que
c'était une visite au Manoir qui avait inspiré Pauline Réage pour écrire son
propre roman... C'est une pure invention bien sûr !
Au début du roman, Pauline se montre très docile face à Julien et ses exigences. Cela semble avoir dérangé plusieurs lecteurs, qui restent sceptiques quant à cette réaction pour une novice du milieu. Comment expliques-tu ses actions et décisions?
Pour moi, Pauline est une jeune femme qui a toujours fantasmé sur ce type d'homme et de sexualité, même si elle ne mettait pas le terme de "SM" dessus et n'avait pas connaissance des codes ou de l'existence d'un milieu organisé. Un indice de cela est le moment où elle compare Julien avec son fouet à des héros-aventuriers de son enfance, et on comprend que cela correspond pour elle à toute une fantasmatique familière... Du coup elle est prête à tenter l'aventure au moment où elle rencontre Julien et elle se laisse prendre au jeu.
Maintenant j'avoue que se laisser traiter de cette manière par un homme qu'elle connaissait à peine ce n'était pas super prudent de sa part, on mettra cela sur le compte du coup de foudre… et je ne recommande certainement pas de s'y prendre de cette façon à celles qui voudraient essayer ;-)
Concernant le personnage masculin principal, Julien : Aurait-il quand même été dominant s'il n'avait pas grandi dans cette famille atypique? Est ce quelque chose qui est "encré" en lui ou est ce seulement une influence de son éducation?
Oh avec des « si » on pourrait mettre Paris en
bouteille ! Julien est indéniablement très marqué par son héritage
familial. Qui sait ce qui se serait passé s'il avait découvert le SM dans
d'autres circonstances ? Ou ne l'avait pas découvert du tout ? Mais
il y a quand même ces deux facettes à sa personnalité : d'une part, le
souhait de s'inscrire dans une tradition familiale par rapport à laquelle il ne
veut pas démériter, d'autre part un réel goût personnel pour ces pratiques. On
peut aussi préciser que sa trajectoire pour devenir maître n'a pas été
totalement rectiligne, mais je ne veux pas en dévoiler trop ici, vu que ça
pourrait faire un bon sujet pour un autre roman...
A ce propos, peux tu nous en dire un peu plus sur tes projets ?
J'ai passé l'année dernière à écrire un très gros pavé qui s'appelle Légendes du Manoir et raconte la suite des mésaventures de Pauline ainsi que tout un tas d'anecdotes passionnantes sur les personnages secondaires du Manoir. Mais il va falloir attendre un peu avant que vous puissiez le découvrir car il n'a pas encore trouvé son éditeur !
J'ai aussi écrit un texte plus léger que vous découvrirez chez Blanche cet été : la Rééducation sentimentale. Il raconte l'histoire d'une jeune maman divorcée qui va redécouvrir le plaisir de tomber
amoureuse...
Enfin est prévue en octobre chez Dominique Leroy la parution d'un court texte écrit à quatre mains avec Chloé Saffy, l'Invitation au Manoir, dans lequel les personnages de nos romans respectifs (Le
Manoir et Adore) se rencontrent pour une séance riche en émotions !
T' inspires-tu des gens de ton entourage pour créer ces personnages fictifs?
En général, je ne transpose pas directement les gens que je côtoie dans mes romans. Mais il y a forcément une part d'inspiration qui vient de mon observation de personnes que j'ai pu croiser... savamment mélangé avec mon imagination pure et, là aussi, des lectures que j'ai pu faire à droite ou à gauche. Cela va se retrouver dans une attitude, un trait de caractère. Cependant, je pense que la plupart des personnages du Manoir forcent trop le trait pour qu'on puisse imaginer les rencontrer dans la vraie vie. C'était volontaire, il y a dans ce roman quelque chose qui relève de la caricature, comme dans une comédie romantique ou un conte de fées.
Peux-tu nous confier quelques petites manies d'auteur que tu possèdes?
Ma principale maniaquerie est que j'écris tout le temps,
partout, dès que j'ai une minute (dans le métro, en mangeant, dans mon lit, tôt
le matin ou la nuit...) J'écris à la main et je choisis mes carnets avec
minutie. Je suis attentive au grain du papier, à sa texture, à la couleur de
l'encre...
En général, côté musique, j'associe un album, ou maximum
deux, à un projet de roman et je l'écoute en boucle à chaque fois que j'écris.
Ca peut durer des mois. J'ai écrit le Manoir
en écoutant l'album Noise
,
d'Archive. Genre deux mille fois :D
Depuis la sortie de la trilogie 50 nuances de Grey d'EL James, la littérature érotique est en plein essor, et de plus en plus de maisons d'édition se mettent à publier ce genre. Or, ce n'était pas encore le cas au moment de la sortie de ton roman. As-tu rencontré des difficultés pour trouver une maison d'édition spécialisée pour publier cette littérature?
En France, nous avons la chance d'avoir encore quelques éditeurs spécialisés dans ce domaine : il y a les éditions Blanche, dirigées par Franck Spengler, mais aussi la Musardine et Tabou. Il y a
également les éditions Dominique Leroy, un "pure player" numérique
spécialisé dans l'érotisme.
C'est vrai que depuis le phénomène "Cinquante nuances", mêmes les
maisons d'édition généralistes veulent avoir leur titre érotique...
Mais en fait il faut savoir qu'il y a toujours eu une place pour ce
type d'écrits. Par exemple, Denoël avait publié "Mr." d'Emma Becker,
un roman bien plus cru que celui d'E.L. James. Et c'est le Seuil qui
avait publié "La vie sexuelle de Catherine M." en 2001.
J'ai eu la chance que Franck Spengler ait le coup de cœur pour le
manuscrit du Manoir que je lui avais envoyé, mais il faut savoir que
dans ce domaine comme dans les autres, les éditeurs reçoivent des
centaines de manuscrits chaque année pour seulement quelques titres
publiés. Ceux (celles) qui veulent tenter leur chance dans l'écriture
de textes érotiques peuvent aussi répondre aux appels à contributions
que la Musardine lance régulièrement pour sa collection "Osez vingt
histoires", ou à ceux de Dominique Leroy pour la collection e-ros.
QUESTIONS BONUS
Aimerais-tu vivre dans le Manoir ?
Non, ce serait beaucoup trop stressant à mon goût ! Et puis je suis une fervente citadine, je ne peux pas vivre à plus de cinquante mètres d'un supermarché.
Possèdes-tu une garde-robe aussi variée que l’héroïne ?
Non, j'avoue que le fait de décrire ces tenues affriolantes est un excellent palliatif à une tentation du shopping qui grèverait considérablement mon budget (d'autant que ce type de fringues est vraiment hors de prix en général). Peut-être que si je vendais un peu plus de livres..