dimanche 22 mai 2016

Quand la nuit devient jour, de Sophie Jomain…

On m’a demandé un jour de définir ma douleur. Je sais dire ce que je ressens lorsque je m’enfonce une épine dans le pied, décrire l’échauffement d’une brûlure, parler des nœuds dans mon estomac quand j’ai trop mangé, de l’élancement lancinant d’une carie, mais je suis incapable d’expliquer ce qui me ronge de l’intérieur et qui me fait mal au-delà de toute souffrance que je connais déjà.
La dépression.
Ma faiblesse.
Le combat que je mène contre moi-même est sans fin, et personne n’est en mesure de m’aider. Dieu, la science, la médecine, même l’amour des miens a échoué. Ils m’ont perdue. Sans doute depuis le début.
J’ai vingt-neuf ans, je m’appelle Camille, je suis franco-belge, et je vais mourir dans trois mois.
Le 6 avril 2016.
Par euthanasie volontaire assistée.




Je remercie infiniment Pygmalion pour m’avoir proposé de lire le nouveau roman de Sophie Jomain, paru le 27 Avril dernier.

Sophie Jomain se prête ici à un tout autre genre que ceux dans lesquels nous sommes habitués à la voir.

J’ai vraiment ressenti ce roman comme un besoin, un devoir qu’elle avait, de raconter l’histoire d’une femme qui va tout faire pour accéder au suicide assisté.


Le prologue met tout de suite le lecteur dans l’humeur du roman. J’ai eu le sentiment de lire une biographie, et j’ai été immédiatement touchée par le mal être de Camille qui va passer par différentes phases de dépression et ce depuis ses 13 ans. En effet, tour à tour anorexique, puis boulimique, elle n’a jamais trouvé comment être heureuse dans son corps et dans son esprit. Nous découvrons des évènements bouleversants de sa vie, avec toujours, en trame de fond, l'image plus que négative qu'elle a d'elle même.

Pourtant, ses parents l’ont accompagné en suivi psychologique, ont essayé de la guérir, mais son mal être la ronge de l’intérieur, et il est tellement ancré depuis tant d’années qu’il est quasi impossible de le faire partir.

Après plusieurs tentatives de suicide, Camille, belge par son père, va partir là bas pour demander recours pour l’euthanasie volontaire assistée, procédure légale depuis le 28 Mai 2002. Sa maladie étant reconnue comme psychique, insoutenable, et inapaisable, sa demande va être acceptée et nous vivrons avec elle son insertion dans un centre médical spécialisé dans lequel elle sera accompagnée par un médecin et une équipe médicale hors du commun jusqu'au jour de l'intervention.

Il est très difficile de parler de ce roman, tant le sujet est sensible. Forcément, il sera perçu plus ou moins fortement d’un lecteur à l’autre, en fonction du vécu de chacun. Car la force des mots de Sophie Jomain nous renvoie à nos vies, notre jeunesse, ce passage très difficile de l’enfance à l’adolescence, d’un point de vue physique, mais également psychologique… Poussée d’hormones, formation de la poitrine, regard des autres, intégration au sein d’un groupe, acceptation de son image…

Tout en restant toujours subjective, Sophie Jomain traite du thème du suicide assistée sans porter de jugement, et nous même lecteurs suivons la même attitude, au vu de l’histoire de Camille. Qui sommes-nous pour la juger, pour savoir ce qu’elle ressent à l’intérieur ? Qui sommes-nous pour la trouver lâche de vouloir tendre les bras à la mort alors qu’elle n’a jamais été heureuse, et qu’elle ne s’en accorde pas le droit ? Le choix de Camille est réfléchi, et l'équipe médicale compte bien l'amener au bout de sa décision de manière douce, en lui apportant quelques moments de quiétude et de relâchement. 

Préparez-vous à être très touché par l’histoire, j’ai fini avec les larmes déroulant sur mon visage, choquée par les dernières pages, mais également très émue par certains passages, tels que sa rencontre avec sa tante, ou bien lorsque la colère sort face à ses parents. Les mots emportent le lecteur, et le livre se lit d’une traite.

C’est une lecture qui m’a complètement sorti de ma zone de confort mais que je suis très contente d’avoir découvert. Ecrit avec beaucoup de justesse, ce roman emporte le lecteur dans le mal-être de cette jeune femme, mais également dans le soulagement qu'elle vit à partir du moment où sa demande d'euthanasie est acceptée.

J'ai lu ce livre en lecture commune avec Livrementvotre et ptiteboukinette


3 commentaires:

  1. Un sujet qui me touche particulièrement étant donné que dans mon métier, on doit euthanasier régulièrement des chats. Donc la question est d'actualité dans mon cas. Un roman qui sera surement bouleversant pour ma part, mais qui amènera de beaux débats auprès des lecteurs!

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    1. Ah oui en effet, tu es déjà sensibilisée sur le sujet. Je guetterai ton avis :)

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  2. C'est exactement ça, un livre qui sonne juste, émouvant et qui nous sort de notre zone de confort mais qu'on est bien content d'avoir découvert. En revanche je ne remettrai pas ça tous les mois.

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